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(Hyères, 1656 - Paris, 1740)
Autoportrait (Bouys)
Huile sur toile,
81 x 66,5 cm.
Provenance
Collection particulière avignonnaise.
Un article de 1960, par le spécialiste de la nature morte Michel Faré, est aujourd’hui encore à peu près tout ce dont nous disposons pour appréhender la personnalité d’André Bouys1. Originaire du Var, sa première formation est encouragée par Jean-Baptiste Boyer d’Aguille, amateur aixois. On le retrouve assez tôt à Paris dans l’atelier de François de Troy, dont il devient un proche collaborateur en même temps que son graveur. Car, sans que l’on sache comment il s’y est formé, Bouys est un précurseur dans la gravure en manière noire en France. En 1688, il est reçu membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture sur la présentation des portraits de La Fosse et de Le Hongre (tous deux au Musée national du château de Versailles). Il est assez estimé de ses pairs pour être nommé en qualité de conseiller de l’Académie en 1707.
Ses envois nombreux aux Salons de 1699 et de 1704 (neuf et douze tableaux) révèlent l’étendue de sa clientèle, et, partant, de sa célébrité : gens d’église, de robe, nobles, musiciens en nombre (Marin Marais, François Couperin, Henri Arnault, André Campra, Michel de La Barre). L’interruption du Salon jusqu’en 1737 laisse plus de trente années de sa production dans l’ombre, d’autant que la négligence de l’artiste à signer ses tableaux est cause que leur paternité se soit perdue. Le Salon de 1737 manifeste en revanche un changement d’orientation artistique, les natures mortes prenant le pas sur les portraits.La Servante qui récure de la vaisselle d’argent du musée des Arts décoratifs ne laisse pas de surprendre en regard des débuts de Bouys : le fait que cet émule de De Troy soit devenu un peintre de la réalité est le signe d’une capacité à se renouveler qui mériterait une étude plus approfondie.
On connaissait jusqu’à présent deux autoportraits de l’artiste : l’un intime, avec sa femme, en tenue d’intérieur (Versailles, Musée national du château), gravé en 1713, le second, au musée d’Art et d’Histoire de Provence, est proche du précédent par le costume et la posture, et le montre plus âgé (ill. 1) ; il passe pour une oeuvre originale, mais sa manière plus schématique évoque un travail de copie. Notre Autoportrait, inédit, le montre sensiblement plus jeune. Il frappe par son effet d’intimité très poussé, tant par sa stricte frontalité, son cadrage serré, que par l’expression de vie qui s’en dégage : la face que l’artiste présente au miroir n’est pas un masque mais celle d’un interlocuteur complice. Excluant du champ visuel l’habituelle toile sur le chevalet, il joue de ses accessoires pour faire mine d’apporter la dernière main au portrait que l’on regarde, et met le spectateur face au vertige de l’aporie de la peinture, surface d’une illusion. (M.K.)
1. Michel Faré, « André Bouys, 1656-1740. Portraitiste et peintre de genre », Revue des arts. Musées de France, 1960, n° 4-5, p. 201-212.
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