On est peu documenté sur la vie et l’œuvre de ce peintre marseillais. Élève de Joseph-Marie Vien à Paris, il est agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1788, puis reçu académicien en 1791. Il expose à partir de cette année au Salon jusqu’à son départ pour Aix-en-Provence, en août 1796, où il a obtenu un poste de professeur à l’École centrale nouvellement créée. Son œuvre aujourd’hui connue est singulièrement réduite et se partage en trois époques qu’il est difficile d’articuler, faute de pouvoir reconstituer son évolution. Des travaux récents dans la chapelle de l’hôtel de la Monnaie ont dégagé des peintures murales en grisaille de sa main (vertus théologales et fûts de colonnes cannelées alternés), que l’on peut supposer précoces à en juger par leur aspect baroque. Trois tableaux bibliques exécutés entre son agrément et sa réception à l’Académie forment un ensemble stylistiquement cohérent : Le Retour de l’enfant prodigue et La Mort de saint François-Xavier, datés de 1788 (Amiens, cathédrale), ainsi que Joseph reconnaît la robe de Jacob, présenté au Salon de 1791 (1) (ill. 1). Une allégorie révolutionnaire enfin, restée anonyme depuis son entrée dans les collections du musée Carnavalet, a été rendue à l’artiste par Philippe Bordes en 1989 : Les peuples du monde rendant hommage à l’Être suprême est le morceau présenté par Forty au concours de l’an II (1794) et la plus tardive de ses oeuvres qui nous soit parvenue (2). L’imitation de la composition et du dispositif spatial de l’École d’Athènes de Raphaël témoigne d’un idéalisme que la manière antérieure de l’artiste ne laissait pas soupçonner.

 

Les tableaux d’Amiens et de Minneapolis portent en effet l’empreinte d’un naturalisme dont Forty a pu trouver l’exemple dans les premières œuvres de son maître Vien et plus encore peut-être dans celles de Jean-Bernard Restout, caractérisées par le dessin appuyé de l’anatomie et la touche descriptive des carnations. Si la mode néo-poussiniste des années 1780 a pu conduire Forty à en tempérer les accents, ceux-ci s’imposent au contraire magistralement dans l’Étude d’homme barbu. L’homme remplit d’une forte présence la page qui peine à le contenir. Visage rubicond, reflets luisants, épaisses mains besogneuses, chevelure et barbe frémissantes brossées avec truculence de la pointe du pinceau, l’oeuvre est un vigoureux morceau de réalisme plébéien, possible indice d’une sensibilité démocratique qui s’épanouira sous la Révolution.

 

 

Le sujet s’inscrit dans le genre de la tête de caractère, exercice d’étude de la physionomie masculine qui, au XVIIIe siècle, consacre le type du patriarche, autant pour le pittoresque de la barbe blanchie que pour le souvenir biblique qui s’y attache. Comme Vien à ses débuts avec ses têtes d’ermites, Forty (qui exposera aussi le Portrait d’un vieil ermite au Salon de 1791, aujourd’hui non localisé) en fait une démonstration de virtuosité. (M.K.)


 

1. Bellier et Auvray, I, Paris, 1882-1885, p. 570, signale que ce tableau a été « donné par l’auteur au Lycée des arts de Marseille », il n’est donc pas certain que le tableau de Minneapolis soit la version présentée au Salon.

2. Voir cat. exp. La Révolution française et l’Europe : 1789-1799, Paris, Grand Palais, 1989, III, p. 864 (notice par B. Gallini).

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ill. 1. Jean-Jacques Forty, Joseph reconnaît la robe de Jacob, Salon de 1791. Huile sur toile, 155 x 133,3 cm. Minneapolis Institute of Arts.

 

 

 

 

 

 

 

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