Ce catalogue est publié par la galerie Michel Descours - disponible dès le 16 octobre 2018 - à l’occasion de l’exposition Varia. Peintures et dessins, de Paris Bordone à nos jours, présentée à la galerie Michel Descours du 18 octobre 2018 au 19 janvier 2019.

Catalogue coordonné par Mehdi Korchane, avec la collaboration de Gwilherm Perthuis.
Notices de Serge Fauchereau, Élisabeth Hardouin-Fugier, Sylvain Laveissière, Gianni Papi, Paul Ruellan, Marianne Paunet et Marie-Félicie Perez-Pivot.


 

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Artistes publiés :

Antoine-Louis BARYE, Oskar BERGMAN, Jean Joseph Xavier BIDAULD, Thomas BLANCHET, Jean-Jacques de BOISSIEU, Jean-Claude BONNEFOND, Louis CRETEY, Salvador DALI, Jules-Elie DELAUNAY, Mélanie DELATTRE-VOGT, Simon DEMASSO, Philippe DEREUX, Fred DEUX, Jean DUCAMPS, Alberto GIRONELLA, François-Marius GRANET, Ernest Antoine HEBERT, Charles-François HUTIN, Louis JANMOT, Harald JERICHAU, Christian LHOPITAL, Robert MALAVAL, Louis Adrien MASRELIEZ, Helmer OSSLUND, Pierre PEYRON, Jean RAINE, Bernard REQUICHOT, Eugène ROGER, Marcel ROUX, Pierre-Paul SEVIN, Francesco SOLIMENA, Jacques STELLA, Nicolas Antoine TAUNAY, Raoul UBAC.

 

 

AVANT-PROPOS
 

2018 n’est pas terminé mais compte déjà quelques moments forts dans la vie de la galerie. Les ventes aux musées en font bien sûr partie, parce qu’elles sont le fruit d’un dialogue avec des conservateurs – autrement dit, de la rencontre de deux passions – et que les oeuvres qui en sont l’objet ont vocation à devenir publiques. Même si cela justifie les prises de risque du marchand, acheter une oeuvre en se persuadant de sa pertinence pour un musée en particulier est passablement déraisonnable et hasardeux. C’est pourtant ma conviction profonde que le Portrait de Tiberio Fiorilli par Paolini était fait pour Versailles qui nous a conduits à en faire l’acquisition, en dépit de son caractère marginal au regard des collections du Musée national du château. Hors norme dans le genre du portrait – grimé en Scaramouche, son personnage fétiche, Fiorilli joue l’ivresse –, cette image d’un comédien adulé par Louis XIV et imité par Molière pouvait apporter quelque chose de nouveau dans le parcours de ce musée. Je suis heureux que Catherine Pégard et Laurent Salomé aient souhaité ouvrir cette porte sur l’histoire du théâtre en France au cours du Grand Siècle avec un portrait digne de figurer dans tous les livres d’histoire.

Une autre aventure passionnante s’est achevée au Louvre. C’est celle d’un tableau anonyme espagnol du XVIIe siècle, La Mort d’Abel, dont la rude beauté m'avait frappée lors de son exposition dans le recoin obscur d'une maison de ventes. Nous avons pu en faire l'acquisition puis la rendre à son auteur et à son histoire. Le point de départ était sa provenance, ô combien prestigieuse, de la collection du Dr Joachim Carvallo rassemblée au château de Villandry. Mais les noms d’Alonso Cano et de Castillo y Saavedra qui avaient été successivement attachés à l’oeuvre ne pouvaient plus être retenus. C’est l’intuition de Guillaume Kientz, conjuguée à l’oeil expert du Pr. Pedro A. Galera Andreu, qui est venue à bout de l’énigme : cette originale et étrange interprétation
du mythe biblique était due au Sévillan Sebastián Martínez Domedel. Parallèlement, nous retrouvions la trace de l’oeuvre dans les archives espagnoles et françaises : saisie par le maréchal Soult à la cathédrale de Séville en 1800, elle était proposée en don par ce dernier à Vivant Denon en 1813 pour le musée Napoléon, avec des toiles de Zurbarán, Herrera et Murillo, mais elle ne fut pas choisie, en raison sans doute d’une attribution trop incertaine – on la donnait alors à Alonso Cano. Composée des rapines de la campagne d’Espagne, la collection de peintures espagnoles de Soult fut, avec celle de Louis-Philippe, la plus importante jamais constituée en France. Je suis d’autant plus heureux que le musée du Louvre ait réparé cette injustice vis-à-vis de l’oeuvre jadis refusée qu’il révèle au monde un génie ignoré d’une école qui me tient particulièrement à coeur.

Une autre grande satisfaction est le succès que rencontre Jean Raine, auquel nous avons consacré un stand à la dernière édition d’Art Paris Art Fair, ainsi qu’une nouvelle exposition monographique dans notre galerie. Cette adhésion grandissante des collectionneurs est le fruit d’un travail entrepris depuis cinq années avec Pierre et Sanky Raine, que je tiens à remercier pour leur confiance.

Puissent nos nouveaux Varia connaître la même fortune. Variation sur un thème canonique du répertoire caravagesque, l’Amour furieux qui introduit cette sélection est une redécouverte de Gianni Papi, inventeur du Maître de l’Incrédulité de saint Thomas, qu’il propose d’identifier au Flamand Jean Ducamps. L’autorité du naturalisme, la force de l’expression, l’intelligence de la nature morte dans la composition en font une oeuvre emblématique de la fertilité de l’héritage caravagesque dans la Rome des années 1630. Parmi les inédits, plusieurs méritent de retenir l’attention. Dans un beau et large caprice architectural de la fin de sa période romaine, Thomas Blanchet a introduit un édifice moderne dont l’inauguration a eu un grand retentissement dans la Rome d’Innocent X : la Fontaine des Quatre Fleuves du Bernin est mise en regard de l'Arc de Constantin. Cette comparaison entre les Anciens et les Modernes est une préfiguration du développement spectaculaire que Panini et Robert donneront à ce thème un siècle plus tard. Autre merveilleuse découverte, la Vierge à l’Enfant de Jacques Stella, dont la qualité n’a d’équivalent que la Vierge donnant la bouillie à l’Enfant du musée de Blois, comme le souligne ici Sylvain Laveissière. Le Paysan saxon, figure du peuple au format d’un portrait d’apparat, est le tableau le plus ambitieux aujourd’hui connu de Hutin, peintre français exilé à la cour de Dresde. Quant à notre version de La Mort d’Alceste, elle concentre tout l’art de Peyron lorsqu’il est à son sommet – Poussin est réinventé par la dramaturgie des drapés.

Le XIXe siècle apporte aussi son lot de découvertes. OEuvre de la maturité de Bidauld, une période durant laquelle il développe l’art d’animer le paysage par des scènes bucoliques, son Paysage montagneux diffuse un sentiment de sérénité et de plénitude indicible. Jamais il n’a été donné d’apprécier le talent d’Eugène Roger, élève d’Ingres et Prix de Rome de 1833, comme dans Moïse défendant les filles de Jethro, peinture d’origine académique (c’est son envoi de Rome de quatrième année) contaminée par la tentation de l’Orient. On ne soupçonnait pas le talent de portraitiste que manifeste Granet dans le portrait intime d’un frère capucin, un unicum dans son oeuvre…

Si parmi les modernes certains sont familiers aux lecteurs de nos Varia – Raine, Deux, Ubac –, la sélection offre des morceaux inattendus. Dalí avant Dalí : la Composition cubiste du Catalan est un très rare échantillon de ses recherches de jeunesse, lorsque le futur surréaliste âgé de dix-sept ans explorait le langage de Picasso. Étoile filante de l’abstraction encore méconnue de beaucoup, Réquichot est représenté par deux oeuvres magistrales de sa dernière année. Faut-il voir dans leur vertige l’expression de celui qui l’a anéanti ? L'artiste se défenestre en 1961 à l’âge de trente deux ans. L’évocation tragi-comique de la mort du révolutionnaire mexicain Zapata par son compatriote Gironella, commentée par Serge Fauchereau dans les pages qui suivent, ou les malicieuses épluchures anthropomorphes de Dereux, en surprendront plus d’un. Enfin, cette année, pour la première fois, notre volonté a été d’offrir un panorama de l’art de la Renaissance jusqu’à nos jours en invitant deux artistes actuels à présenter un choix de leurs créations graphiques, Christian Lhopital et Mélanie Delattre-Vogt. J’aime à croire que les amateurs qui nous suivent partageront notre sentiment que l’ancien et le moderne, loin de s’exclure, entretiennent un dialogue fructueux, si ce n’est par la forme, au moins par la poésie.


Michel Descours

 

 

 

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