• ill. 1. Jacques Stella, Sainte Agathe soignée par saint Pierre dans sa prison, vers 1635, huile sur ardoise, 24,5 x 31,5 cm, Oberlin (Ohio), collection particulière.

Jacques Stella est le fils de François Stella, ou Stellaert, peintre d’origine flamande, dont on connaît notamment quelques vues romaines dessinées et signées de sa main. Il naît à Lyon en 1596 et, si l’on sait peu de chose de sa formation, il est assure que vers les années 1616-1619 il demeure à Florence en tant que disciple de Jacques Callot. À partir de 1623, Stella s’installe à Rome où il devient membre de l’Académie de Saint-Luc jusqu’en 1630 et fréquente, notamment, Nicolas Poussin. À ses débuts, il dessine principalement pour le milieu de l’estampe avant d’être davantage reconnu pour sa peinture. Il se fait une spécialité des peintures sur pierre semi-précieuse, particulièrement appréciées par la famille du pape Urbain VIII Barberini. Il quitte Rome en 1634 avec l’ambassadeur Charles de Créqui pour rentrer en France. Passant par Lyon, il se fixe à Paris en 1635 où il est nommé peintre du Roi et a l’honneur, en 1644, d’être reçu dans l’ordre de Saint-Michel. Stella compte alors parmi les principaux peintres de la Régence aux côtés de Laurent de La Hyre, Philippe de Champaigne ou Eustache Le Sueur. En 1641, il se mesure à Poussin et Simon Vouet avec la commande pour le Noviciat des Jésuites. Il exécute un Jésus retrouvé par ses parents dans le Temple, aujourd’hui considéré comme son chef-d’œuvre2.
 
L’histoire de sainte Agathe, originaire de Sicile et martyrisée, selon la tradition, au IIIe siècle par Dèce, connaît une faveur certaine dans la Rome contre-réformiste de la première moitié du XVIIe siècle. Bien que l’Église n’apporte plus le même crédit aux textes hagiographiques de Jacques de Voragine, cela n’empêche pas certains récits d'être toujours connus et appréciés. Selon la légende, Agathe a la poitrine coupée ou arrachée par son bourreau. Emprisonnée et laissée à demi-morte, elle est soignée par saint Pierre qui résorbe ses plaies à la nuit tombée, accompagné par un ange portant un flambeau3. Dans les années 1610, Giovanni Lanfranco représente ce sujet à deux reprises4, puis, vers 1624, Simon Vouet5. L’interprétation de Vouet n’est connue que par sa copie, mais elle pourrait être en lien avec les commandes initiées par le cardinal Francesco Barberini, titulaire de l’église Sant’Agata dei Goti à partir de 1624 et commanditaire d’un cycle sur l’histoire de sainte Agathe en 1633.
 
Sainte Agathe soignée par saint Pierre dans sa prison, sujet de nocturne, se prête donc tout particulièrement aux effets de clair-obscur. À la suite des peintures sur pierre de la période romaine représentant Judith ou Marie-Madeleine, rehaussées d’or et donnant ainsi à voir une matière lumineuse et scintillante6, Stella peint une première Sainte Agathe sur ardoise vers 1635, à son retour d’Italie7 (ill. 1). Notre version, peinte sur toile, s’en distingue néanmoins par une composition scandée comme un bas-relief, un équilibre de la lumière et des coloris et une certaine pureté plastique. Nous y voyons la même délicatesse que dans Le Christ mort, une œuvre de petit format, peinte sur cuivre et datée de 16438, dans laquelle, bien que les contrastes soient forts, les effets sont mesurés. La Sainte Agathe est d’une touche raffinée et met en valeur certains détails d’une matière subtile, qu’il s’agisse de la main de saint Pierre maintenant le col de la fiole d’onguent ou du nécessaire d’apothicaire aux pieds de sainte Agathe. Le classicisme raffiné de cette œuvre nous autorise à la placer dans le contexte de la carrière parisienne de l’artiste, à partir des années 1640, alors que le courant atticiste règne sur la peinture à Paris.
 
Marianne Paunet
 
1. D’après l’exemplaire même de l’expert Lebrun conservé à la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet à Paris, Inv. VP RES 11 B/2 (Source: Getty Provenance Index Database).
2. Les Andelys, église Notre-Dame. Voir Jacques Stella (1596-1657), cat. exp., Sylvain Laveissière (dir.), Lyon, musée des Beaux-Arts, 17 novembre 2006-19 février 2007, Toulouse, musée des Augustins, 17 mars- 18 juin 2007, Paris, Somogy, 2006, cat. 81, p. 148-149.
3. Émile Mâle, L’Art religieux du XVIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1984, p. 139.
4. Parme, Galleria Nazionale, Inv. N. 65, et Rome, Palazzo Corsini. Voir Giovanni Lanfranco. Un pittore barocco tra Parma, Roma e Napoli, cat. exp., Erich Schleier (dir.), Parme, Reggia di Colorno, 8 septembre-2 décembre 2001, Naples, Castel Sant’Elmo, 22 décembre 2001-24 février 2002, Rome, Palazzo Venezia, 16 mars- 16 juin 2002, Milan, Electa, 2001, cat. 8, p. 110-111.
5. Stéphane Loire, «Simon Vouet en Italie (1612-1627) : questions d’attributions et de datations», in Olivier Bonfait et He?le?ne Rousteau-Chambon (dir.), Simon Vouet en Italie, Rennes / Paris, Presses Universitaires de Rennes / Institut national d’histoire de l’art, 2011, p. 202, ill. p. 203.
6. Laveissière, 2006, op. cit., cat. 42 à 44, p. 96-99.
7. Pierre Rosenberg, «France in the Golden Age : A Postscript», Metropolitan Museum Journal, 17 (1982), n° 11, p. 36. Concernant la date, vers 1635, Sylvain Kerspern suit Pierre Rosenberg (http://www. dhistoire-et-dart.com/Stella/Stella-cat-Rome- Lyon-1633_35ca.html). Jacques Thuillier ne propose pas de datation ni même ne confirme pleinement l’attribution à Stella (Jacques Thuillier, Jacques Stella (1596-1657), Metz, Serge Domini, 2006, p. 300).
8. Laveissière, 2006, op. cit., cat. 77, p. 145.

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