Philippe-Auguste Hennequin fut, dans les années 1780, l’un des premiers élèves de David. Chassé de l’atelier du maître pour avoir dérobé des couleurs, il voyagea à Rome puis s’installa à Lyon au début de la Révolution, où il participa à la création du musée. Arrivé à Paris en 1795, jacobin convaincu proche de Babeuf, il fut plusieurs fois poursuivi par la police, ce qui ne l’empêcha pas d’obtenir le Grand Prix au Salon de 1800 avec Les Remords d’Oreste (musée du Louvre). Mal rallié à l’Empire malgré les commandes que lui passa Vivant Denon (Distribution des Aigles à l’armée des côtes de Boulogne (Versailles) ; Bataille de Quiberon (musée de Toulouse), il s’exila en Belgique à partir de 1806 à la suite de difficultés financières, et c’est à Tournai qu’il rencontra vraisemblablement Bruno Renard lorsqu’il postula en 1820 pour un poste de professeur à l’Académie de cette ville. Bien qu’il ne l’ait finalement pas obtenu, il s’installa l’année suivante dans la ville, où sa femme avait ouvert une institution de jeunes filles, et obtint plusieurs commandes dont un cycle sur L’Histoire de saint Hubert pour l’église Saint-Piat, qui lui permit d’être nommé en 1827 au poste de directeur de l’Académie.

 

Sans doute liés par la franc-maçonnerie à laquelle ils appartenaient tous deux, Hennequin et Renard divergeaient cependant dans leur enseignement, le premier, pourtant ancien élève de David, s’appuyant essentiellement sur la nature, quand le deuxième prônait le dessin au trait néo-classique. Formé par Percier et Fontaine à Paris, Bruno Renard avait été nommé architecte municipal de la ville de Tournai en 1808 et, en cette qualité, il configura la cité telle qu’on peut encore la voir en grande partie aujourd’hui. C’est à lui qu’on doit entre autres le tracé de la place Saint-Pierre, la galerie du Museum d’histoire naturelle et la manufacture de tapis. Mais son œuvre la plus célèbre, de style néo-classique, reste les Houillères du Grand Hornu, complexe industriel aujourd’hui désaffecté. Malgré sa formation, Renard s’intéressa beaucoup aussi au passé de la ville de Tournai, effectuant des relevés de la cathédrale qu’il envisageait de restaurer, relevés qui menèrent à la publication d’une monographie, et il fut membre fondateur de la Société historique et littéraire de Tournai. Son fils Bruno (1804-1879) devint général de l’armée belge et fut ministre de la Guerre de 1868 à 1870.

 

Par l’âge que l’on peut conférer au modèle, il est possible de dater ce portrait du début des années 1820, moment où Hennequin s’installe à Tournai. Bien que l’œuvre ne soit pas signée, plusieurs traits caractéristiques indiquent qu’il s’agit indéniablement d’un portait peint par Hennequin. La main au doigt détaché se retrouve sur plusieurs portraits conservés aux musées de Bruxelles ou de Liège, tout comme la chevelure vaporeuse ou la cravate aux plis anguleux. Techniquement, la matière très travaillée des mains ou du visage accroche et fait vibrer la lumière, en même temps qu’elle donne au personnage une intensité et une vivacité que l’attitude penchée accentue encore. C’est à un portrait déjà romantique que nous avons affaire ici, romantisme qui confine parfois à l’expressionnisme, comme dans le portrait de l’architecte tournaisien Haghe1, dont le fils Louis, aquarelliste, fut élève d’Hennequin.

 

Jérémie Benoit

 

1. Jérémie Benoit, Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833), Paris, Arthena, 1994, P. 93, p. 113, repr.

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