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(Lyon, 1953)
Paysage gelé
Collage, encre de Chine, peinture émail et acrylique sur papier
160 x 214 cm
« À ma sortie des Beaux-Arts, en 1976, épris de Fluxus, je me suis posé la question d’abandonner ou non toute pratique artistique. Dans le doute, j’ai passé un an à dessiner avec un bonheur fou des dessins au stylo-bille sur du papier à lettres. Voici une des origines possibles de ma passion pour le dessin1. » Depuis la fin des années 1970, comme il le rappelait dans un entretien donné à Philippe Piguet en 2012, le dessin est resté le moteur principal et le noyau dur de l’activité artistique de Christian Lhopital. Son univers graphique très personnel compte des personnages hybrides, souvent fantomatiques, des silhouettes animales, ou des visages en forme de ballons gonflables, qui interagissent dans des espaces nébuleux souvent difficiles à décrire, entre rêve et cauchemar. À propos des baudruches grotesques, prêtes à exploser, Jean-Hubert Martin, commissaire en 2018 de l’exposition personnelle de Christian Lhopital, « Danse de travers » au Drawing Lab (Paris), évoque celles que Francis Picabia met en scène dans le film Entr'acte de René Clair. Les dessins de Lhopital sont hantés. Ils épinglent une vision fugitive, saisissent une image tout droit sortie de l’imaginaire, attrapent au vol une perception, quelque chose que l’oeil n’a pas encore eu nécessairement le temps d’analyser. Par un effet d’anamorphose, quand le regard s’attarde, certains motifs ou figures peuvent être interprétés de plusieurs façons : un lourd nuage s’avère être une cuisse, la tête d’un diablotin se mue en un panache de fumée… Christian Lhopital se place constamment à ce point d’équilibre instable entre des situations contradictoires, entre le comique et le dramatique, entre l’inquiétant et le réconfortant, de la caricature qui fait sourire à la catastrophe macabre. Il admire à ce titre la puissance magistrale du cinéma de Buster Keaton où l’on « retrouve toute la fragilité de l’être humain, sa résistance et sa force2 ». Dans ses dessins muraux, qu’il réalise à la poudre de graphite sur des surfaces très vastes, l’artiste opère une rupture d’échelle radicale. Le mur s’apparente alors à un écran de cinéma, une surface sur laquelle l’image se dépose, à peine saisie par la matière volatile, une image inscrite dans une temporalité. Elle se dégrade rapidement et relève alors davantage de la projection éphémère que de la permanence de la fresque. Depuis 1999, Christian Lhopital réalise quasiment systématiquement des dessins muraux quand une exposition, personnelle ou collective, lui est proposée dans un centre d’art ou un musée (réalisations principales à Ansan, Corée du Sud, sur le Domaine de Kerguéhennec, au CRAC de Sète, au Mamco de Genève, etc.). Ces dernières années, Christian Lhopital a présenté son travail dans des expositions importantes des événements qui lui ont permis d’acquérir une notoriété internationale : en 2011, la commissaire sud-américaine Victoria Noorthoorn l’a invité à participer à la 11e Biennale d’art contemporain de Lyon, « Une terrible beauté est née », puis, deux ans plus tard, le musée de Saint-Étienne lui a consacré un accrochage considérable, « Splendeur et désolation », enfin, Christian Lhopital bénéficie d’une importante rétrospective au Centre régional d’art contemporain de Montbéliard où sont réunies des oeuvres du début des années 1980 à 2020. Les grandes peintures à fonds noirs, réalisées entre 1985 et 1987, composent, selon la critique Françoise Bataillon, des « territoires friables où les pistes se brouillent et se chevauchent3 ». Mêlant les techniques, introduisant des collages de photographies, ces peintures expressionnistes sont des paysages nocturnes percés de flashs lumineux, de réminiscences, de souvenirs soudains… Une pièce comparable à la nôtre, Cyprès (1987), appartenant aux collections du Musée d’art contemporain de Lyon, a été présentée en 2019 au musée des Beaux-Arts de Lyon.
Gwilherm Perthuis
1. Philippe Piguet, « L’insoutenable légèreté du dessin », entretien, Art Absolument, n° 45, janvier-février 2012.
2. Id.
3. Françoise Bataillon, « Christian Lhopital, le hasard organisateur », Christian Lhopital, Galerie de l’Hôtel de Ville de Villeurbanne, 1987, p. 20.
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