Issu de la petite noblesse et, tout d’abord, artiste autodidacte, devenu un aquafortiste habile, Boissieu passa toute son existence à Lyon, hormis un voyage en Italie en 1765-1766 et quelques déplacements à Paris. Il grava plus de cent trente planches à l’eau-forte, principalement des paysages composés et des scènes de genre et il sut faire connaître son œuvre gravé en France et en Europe, particulièrement dans les pays de culture germanique. Cette activité repose en partie sur une production graphique moins connue mais numériquement importante et d’une grande diversité. L’originalité de l’artiste, dans tous les domaines – il pratiqua aussi quelque peu la peinture à l’huile –, vient de l’association entre son sens de l’observation du réel et la forte influence des maîtres hollandais du XVIIe siècle qu’il eut à cœur de collectionner.


 

Ce petit dessin au caractère pictural par le mélange de lavis gris et brun associé à une aquarelle bleu-gris et rose éteint, finement accordée et même mêlée au lavis, pose d’abord une question d’identification. S’agit-il d’une scène familiale – un jeune père très proche de sa fille, leurs mains réunies sur un petit bouquet de fleurs – ou d’une « leçon » de botanique, comme cela a été suggéré, donnée cependant dans un climat de tendresse et de proximité ? Participant de l’intérêt porté de son temps à l’enfance et à l’éducation familiale, Boissieu a abordé à plusieurs reprises cette représentation unissant un adulte et un enfant : Mère et nourrisson 1 ou Vieillard apprenant à lire à un jeune garçon (ill.) gravé en 1770 2. Dans son œuvre gravé, on rencontre d’ailleurs à plusieurs reprises des groupes d’enfants autour d’un vieillard ou d’une femme âgée (La Vieille Gouvernante, 1770) ou encore des scènes d’éducation (Le Grand Maître d’école, 1780) et même, dans un décor de nature évoquant Rousseau, une Leçon de botanique 3 (1804), utilisée pour illustrer La Flore d’Europe, publiée par MM. Dupré, Auger et Claude-Victor de Boissieu.


 

Les personnages, simplement vêtus, peuvent appartenir à ce monde rural, pas obligatoirement paysan, qui a inspiré Boissieu car il a fréquemment résidé à la campagne, surtout au moment de la Révolution. La petite fille ne peut être identifiée, mais son costume, jupe ample, caraco, fichu et bonnet, se rencontre dans de nombreux croquis à la plume, souvent plus habiles que les compositions plus ambitieuses où l’association des figures est assez maladroite. La particularité de ce dessin consiste dans le sourire et le caractère avenant du jeune homme puisque, dans les exemples cités, l’enfance se trouve souvent confrontée à une vieillesse morose.


Le problème posé par cette feuille est celui de sa date. Les exemples de feuilles du même style s’échelonnent entre 1770 et 1804 ; la comparaison avec le dessin Vieillard apprenant à lire à un jeune garçon gravé en 1770 ne suggère aucune datation car l’artiste reprend souvent ses compositions et ses dessins sont loin d’être obligatoirement des dessins préparatoires.


 

Marie-Félicie Perez

 

 

1 Dessin, Paris, ENSBA, inv. EBA 562.

2 Marie-Félicie Perez, Catalogue raisonné de l’œuvre gravé de Jean-Jacques de Boissieu, mis à jour et commenté sous le titre L’Œuvre gravé de Jean-Jacques de Boissieu (1736-1810), Genève, 1994, n° 51.

3 Idem, respectivement n°s 79, 50, 80 et 124.

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J.-J. de Boissieu, Vieillard apprenant à lire à un jeune garçon, vers 1770,

pinceau et lavis d’encre brune, collection particulière.

Réduire

Lire la suite

Imprimer