Né en 1813 dans la ville allemande de Coblence, J.A.N. Settegast suit, en 1828 et 1829, les cours de l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf avant d’aller poursuivre sa formation à Francfort dans l’atelier de Philipp Veit (voir cat. 10), qui deviendra son principal mentor et professeur (et même, par la suite, son beau-père). Philipp Veit est l’un des plus fameux représentants du mouvement nazaréen postromantique apparu en Allemagne au début du XIXe siècle, et dont les membres entendaient proposer un art et un artisanat inspirés du Moyen Âge. Issu d’une famille profondément catholique, Settegast rejoint leurs rangs et, jusque tard dans la seconde moitié du XIXe siècle, continue à travailler dans le style préconisé par les nazaréens.

Au début de l’été 1838, Settegast entame le traditionnel et, pour tout artiste, obligatoire voyage en Italie, où il restera quatre ans, jusqu’en mai 1843. Depuis Rome où il s’installe, il part visiter les lieux les plus célèbres de la Péninsule : Venise, Florence, Amalfi et Capri. À Rome il fréquente les artistes allemands qui y séjournent, et qu’il retrouve au café Greco ou à la Société du Ponte Molle.

Le séjour de Settegast en Italie est bien documenté. Les lettres et journaux intimes qui nous renseignent sur ses déplacements contiennent aussi quelques portraits d’amis et d’étudiants en art dont il a fait la connaissance. Le 10 juillet 1839, il quitte Rome avec ses amis le peintre Eduard Ihlée (1812-1885) et le sculpteur Wilhelm Achtermann (1799-1884) pour aller visiter Florence, Pise, Sienne et Orvieto. Ils étudient ensemble les fresques prérenaissantes de Sienne, où ils restent près de quatre semaines, avant d’aller passer une quinzaine de jours à Pise, puis de gagner Florence où ils s’attardent plus d’un mois. Tous les dessins qu’exécute Settegast au cours de ce séjour italien ont été conservés. Parmi eux, on découvre même deux charmants dessins, datés du 24 août 1839, de ses amis en train de faire des esquisses de paysages toscans (Kunsthalle Mannheim, Inv. G 1584 et G 1585). Sur ces dessins, les deux amis de Settegast portent le même étonnant haut chapeau qu’il arbore lui-même dans son autoportrait. Il s’agissait probablement d’un accessoire à la mode parmi les artistes allemands dans l’Italie de la fin des années 1830, et qui devait aussi bien les protéger du soleil que constituer une sorte de signe de reconnaissance.


L’autoportrait de Settegast récemment découvert montre un jeune homme d’environ vingt-cinq ans à la barbiche et aux moustaches châtaines, doté de sourcils sombres finement ciselés, d’une bouche serrée et bien dessinée, et d’un nez fort et osseux. Les yeux sont fixés sur le spectateur et semblent comparer l’avancement du tableau par rapport à la réalité du visage qu’il reflète. La carrure plutôt imposante de l’artiste – « gigantesque », nota même un témoin à l’époque – est en partie dissimulée par le châle vert dont il a drapé de façon pittoresque ses épaules.


Ce petit portrait surprend par son style et ses couleurs pastel : la tonalité plus claire du fond sert à souligner la plasticité et à accentuer le caractère tridimensionnel de la tête – une technique que l’on ne retrouve pas dans les autres autoportraits de Settegast. Nous savons qu’il en a peint trois. Le premier, réalisé en 1830, montre un jeune homme aux traits doux et aux cheveux brun foncé dont le visage juvénile est encore imberbe. Dans le catalogue personnel qu’il avait dressé de ses oeuvres, Settegast désigne avec assurance ce portrait comme le « numéro 1 » de ses tableaux. Un autre portrait, perdu durant la Seconde Guerre mondiale, a été peint en 1840 (comme nous connaissons ses dimensions, 53 x 40 cm, il ne peut s’agir de celui qui a été récemment découvert), tandis que le troisième – où l’artiste tient dans ses mains palette et pinceau – fut exécuté en 1845.

Le tableau présenté ici permet de restituer le chaînon qui manquait dans le séjour italien de Settegast et de renforcer la connaissance que nous en avions : il révèle un jeune homme pensif et intellectuel, mûri et pleinement conscient de ses capacités artistiques. Il montre aussi que Settegast, qui avait su adopter une nouvelle palette de couleurs et un nouveau style, léger et brillant, sous le soleil italien, y a renoncé après son retour à Francfort en 1843. Il ne fut pas le seul : c’est un phénomène que l’on constate chez bien d’autres artistes, comme Andreas Achenbach, qui changea lui aussi complètement de style et de couleur pendant son séjour en Italie.

(Irene Haberland) Traduit de l’anglais par Gilles Berton

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