Louis Masreliez est le fils du sculpteur d’ornement français Jacques Adrien Masreliez. Il naît à Paris l’année où ce dernier est appelé à la cour de Frédéric Ier pour diriger les travaux de décoration du palais royal de Stockholm. Louis rejoint son père à Stockholm avec sa famille en 1753 et commence sa formation artistique à l’âge de dix ans à l’école de dessin de l’Académie royale, ainsi que dans l’atelier du peintre Lorens Gottman. À partir de 1769 une pension de l’état lui permet de s’établir en résidence en Italie pour y poursuivre ses études. Il s’installe à Bologne jusqu’en 1773, passe une année à Florence et se fixe enfin à Rome jusqu’en 1782. Il y retrouve ses compatriotes Sergel et Wertmüller, fréquente comme eux Anton Raphael Mengs ainsi que les pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Dans sa correspondance, hélas inédite en langue française 1, Masreliez apporte un témoignage précieux sur la direction de Vien, sur les travaux de David et de Peyron et sur l’activité du palais Mancini.

 

Si Jacques Sablet a laissé de lui un portrait en « peintre philosophe 2 » (1782, Stockholm, Konstakademien), l’intérêt croissant que Masreliez a manifesté pour l’architecture et les ornements antiques au cours de son séjour romain l’a détourné de son projet de faire carrière dans la peinture d’histoire. S’il se prévaut en 1784, deux ans après son retour à Stockholm, d’être le premier à avoir « composé dans ce siècle un tableau d’histoire en Suède 3 » avec sa Mort d’Alceste, il y fera surtout œuvre de décorateur, ce qui ne l’empêchera cependant pas d’être nommé directeur de l’Académie royale de Suède en 1805. Car sa formation en a d’abord fait un dessinateur de figures et un maître dans la composition de scènes historiées.

 

 

Notre scène de martyre, dont aucun attribut ne permet d’identifier les victimes avec certitude (saints Juventin et Maximin ou Cosme et Damien ?), témoigne à plus d’un titre des talents du potentiel peintre d’histoire. Le sujet religieux, chez cet artiste beaucoup plus familier du répertoire grec que de l’histoire chrétienne, suggère l’influence de la grande peinture italienne des XVI et XVIIe siècles et tendrait à situer son exécution au cours du long séjour dans la Péninsule. La feuille se distingue toutefois, par son format comme par son écriture, des lavis sommaires à vocation mnémonique que l’artiste exécute d’après les maîtres dans ses carnets. L’énergie de l’action, le canon musclé des figures et certains détails du costume (armures, coiffe féminine) pourraient faire penser à des modèles michelangesques de la seconde moitié du Cinquecento, quoique les corps soient exempts des postures contournées qui les caractérisent. Toutefois, c’est par le graphisme que Masreliez se rapproche le plus de certains grands maîtres du dessin. Lignes bouclées, plis segmentés, points d’encre d’une plume à l’arrêt qui ignore le repentir : le feu qu’il met dans son instrument rappelle les tracés fulgurants d’un Luca Cambiaso, tandis que sa manière de trousser têtes et extrémités n’est pas sans évoquer Lafage. Ce style, somme toute, reflète bien l’énergie que cultivent dans leurs dessins les artistes nordiques du cercle de Füssli, peintre charismatique présent à Rome de 1770 à 1778. Une influence contemporaine peut aussi se deviner dans le jeune saint quasi nu, la tête inclinée sous la contrainte d’un bourreau barbu et sous la menace d’un prêtre l’incitant à adorer les idoles, groupe contrasté qui ressemble à celui du jeune Troyen et de son victimaire dans les Funérailles de Patrocle que David a exposé au Palais Mancini en 1778. (M.K.)


 

1 Carl David Moselius, Louis Masreliez, med en indledning om Adrien och Jean Baptiste Masreliez’ verksamhet på Stockholms slott, Stockholm, Centraltryckeriet, 1923.

2 Moselius cité par Anne Van de Sandt dans Les Frères Sablet (1775-1815), cat. exp. Nantes, Lausanne, Rome, 1985, n° 8, p. 50.

3 Masreliez à Wertmüller, 27 mars 1784, cité par Moselius, 1923, p. 74, note 1.

 

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