Wilhelm Freddie est à la fois l’un des acteurs les plus importants des arts et de la culture danois du XXe siècle et sans doute l’un des artistes qui fut le plus conspué et vilipendé. Lors de sa participation au Salon d’Automne de Copenhague en 1930, ses premières oeuvres surréalistes au contenu érotique provoquent le scandale, et la colère des critiques. Un visiteur aurait tenté d’étrangler le peintre pendant le vernissage… Plus tard, les peintures de Freddie qualifiées d’improper sont saisies par les douanes anglaises et ne peuvent être accrochées dans l’importante Exposition internationale surréaliste de Londres (1936) – seuls quelques dessins rejoignent clandestinement les salles des New Burlington Galleries. L’année suivante, la présentation de Méditation sur l’amour anti-nazi (1936) lui vaut l’interdiction de séjour en Allemagne pour « insultes au chef de l’État ». Enfin, et nous arrêterons là notre énumération, à l’occasion de l’une des dernières expositions surréalistes qu’il parvient à organiser à Copenhague, à l’automne 1940 (avec Bjerke Petersen, Harry Carlsson, Erik Olson ou Elas Thoresen), la presse pronazie danoise tenait des propos extrêmement violents à son encontre: « Les anciens Grecs l’auraient précipité du haut d’une falaise dans la mer, et c’est ce que nous ferons lorsque notre nouvelle Europe sera devenue réalité1. » Il faut attendre la fin des années 1960 pour que son oeuvre soit enfin admise, que les pièces saisies sortent enfin de la collection criminologique de Copenhague et qu’il soit même reconnu par les autorités en obtenant des récompenses (prix Thorvaldsen, 1970) ou des commandes publiques (décor de l’école Vallensbaek, 1971).

À partir de 1935, le mouvement surréaliste s’internationalise et rayonne sur toute l’Europe. Accompagnées de conférences et de publications, les expositions sont les principaux vecteurs de diffusion du surréalisme. Les revues assurent également une
circulation rapide des textes, des oeuvres, des positionnements. Au Danemark, la revue Konkretion a joué un rôle déterminant entre 1935 et 1936 (quatre livraisons) : elle distille des informations relatives au surréalisme et consacre intégralement son dernier numéro aux écrivains et peintres parisiens sous le titre « Le surréalisme à Paris2 ». C’est la même année que Wilhelm Freddie présente Sex-paralysappeal (1936), objet inspiré par le Buste de femme rétrospectif de Salvador Dalí, composé d’un buste féminin coiffé d’un gant, d’un fragment de cadre avec un phallus peint sur la joue et des verres accrochés autour du cou. Cette pièce est confisquée sous prétexte de « pornographie » et ne devient accessible que par l’intermédiaire des publications.

Dans le Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs, Édouard Jaguer rapproche la technique minutieuse de Freddie de celle propre à Salvador Dalí tout en démarquant clairement les engagements de chacun. « Freddie se distingue de la virtuosité dalinienne par une agressivité dans la touche et la couleur, une intrépidité ingénue, qui l’apparentent bien plus à un Böcklin; ou plus près de nous à certains surréalistes “marginaux” tels que Styrsky ou Perahim. Il n’y a rien, chez lui, de cette complaisance à base de raffinement académique qui fit bientôt de l’oeuvre de Dali une séduisante attraction pour gens du monde3. »

Durant les années 1940, Freddie diversifie son activité et conçoit des décors ou des aménagements d’espaces, pour des expositions, des vitrines ou des salons. Il abandonne sa facture dalinienne des années 1930, brosse bien plus rapidement la toile et réalise, Ma soeur en mars et les attributs de Vénus en est un excellent exemple, des compositions plus synthétiques où les corps sont stylisés, les objets géométrisés. En mars 1948, mois auquel notre tableau fait allusion, Freddie voyage en Suisse et travaille comme architecte d’exposition. Il organise ainsi son tableau à la manière des installations d’objets et de matériaux qu’il réalise simultanément en associant fragments suspendus et motifs symboliques archétypaux. (G.P.)

 

 

 

 

1. Marcel Jean, Histoire de la peinture surréaliste, Paris, Seuil, 1959, p. 262.
2. Marcel Jean, op. cit., p. 261.
3. Édouard Jaguer, « Les métamorphoses de la rage de vivre », Wilhelm Freddie, Paris, galerie 1900-2000, 1990, p. 24.

 

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