Né à Avallon d’un père cordonnier, Gaston Chaissac met un terme à sa scolarité avant le certificat d’études, multiplie sans succès les périodes d’apprentissage, et s’installe durablement dans une situation précaire, marquée par une santé fragile et une inadaptation au monde du travail. En 1937, il fait la connaissance d’Otto Freundlich qui lui ouvre les portes de son atelier et l’initie aux techniques du dessin et de la peinture, et, surtout, le met en confiance. Chaissac dessine à l’encre de Chine des formes naïves, imbriquées. Totalement démuni, il demande à être pris en charge à l’hospice de Nanterre où des médecins, attentifs à son désir de créer, lui fournissent du matériel. L’année suivante, le couple Freundlich lui organise sa première exposition et son entourage le soutient et l’encourage en acquérant plusieurs oeuvres. Son état de santé est toujours instable. Il reçoit des soins en sanatorium et s’établit en Dordogne, pour sa convalescence.
 

Dans les années 1940, Chaissac entretient des relations avec les cubistes gravitant autour d’Albert Gleizes : il entame une correspondance avec André Lhote, s’installe à Saint-Rémy-de-Provence où Gleizes lui trouve du travail chez un bourrelier, puis participe au cercle littéraire et artistique. Toutefois, bien que stimulé par ces riches rencontres, il ne s’y sent pas très à l’aise et son esprit d’autodidacte reprend le dessus. Chaissac suit son épouse Camille, nommée institutrice dans le bocage vendéen ; il s’occupe de leur maison et de leur fille tout en inventant des contes dont il met en scène les personnages dans sa peinture. L’année 1946 marque les premiers échanges épistolaires avec Jean Dubuffet, que Chaissac à rencontré par l’intermédiaire de Jean Paulhan. Ce sont les années déterminantes de l’invention de l’art brut, que la galerie Drouin contribuera à valoriser, et auquel les créations de Gaston Chaissac sont rapprochées. L’école de Boulogne ferme, le couple s’installe à Sainte-Florence-de-l’Oie, avant de rejoindre Vix dans le marais poitevin au début des années 1960. Chaissac introduit de plus en plus régulièrement de l’écriture dans ses peintures, encres, totems et objets, mais publie également des recueils, dont le célèbre Hippobosque au bocage (chez Gallimard grâce à Paulhan), titre faisant allusion avec humour au bocage vendéen, ainsi que des fragments de sa considérable correspondance (des milliers de lettres) avec des artistes, écrivains, journalistes, critiques d’art, qui lui permet de briser l’isolement géographique, et de poursuivre sa singulière et stimulante réflexion.
 

En 1946, Chaissac écrit à son ami Raymond Queneau: « Je ne me dis pas artiste, je ne me dis pas poète, mais je me sens artiste, je me sens poète parfois. Je me sens paysan. Je me sens traceur de piste, guide. Je me sens dompteur. Je me sens prêtre. Je me sens voyageur. Et je me sens surtout le spectateur d’une pièce où tous les hommes et tout ce qui existe sur la terre, jouent un rôle. » Mais, avant tout, Chaissac a tenté, sa vie durant, de renouer avec la fraîcheur de la créativité de l’enfance, de se libérer des carcans culturels et de retrouver la spontanéité primordiale de l’acte artistique. Tout au début des années 1960, et tout particulièrement pendant l’année 1962, il expérimente un nouveau travail de collage à partir de morceaux de papiers peints. Il n’a cessé de donner une nouvelle vie à des objets récupérés, de raviver des matériaux délaissés et de donner libre cours à sa créativité dans des patchworks de couleurs, de lignes et de matières. La plupart des découpages et collages de papier peint sont des portraits ou des paysages, contrairement à notre Composition abstraite qui est ainsi très singulière et d’une grande sensibilité. Les motifs peints en légers reliefs animent les papiers ; Chaissac utilise la technique du collage pour ses vertus picturales. Enfin, le texte manuscrit – apparaissant à deux reprises – tient une place prépondérante dans cette pièce : la mention circulaire « l’abbé Knock ou le triomphe de la Religion » étant un clin d’oeil ironique et décalé au titre de la pièce de théâtre de Jules Romains. (G.P.)

 

 

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